I missed you | Morgan | 14 Février 2017

Coming back home

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Il a neigé toute la nuit, sans interruption, alors que le train qui me remontait d'Algésiras au Havre filait à toute vitesse sur les rails recouverts d'un épais tapis blanc. J'ai dormi presque tout le trajet, complètement éreinté, mon sac serré contre ma poitrine, le strict nécessaire à la survie d'un homme fourré dedans. C'est à dire en gros une bouteille d'eau, un ou deux sandwiches industriels, une brosse à dent avec le dentifrice, un peigne. Mon téléphone est bouclé dans la poche de devant, éteint. Je n'en ai pas besoin.

Descendre du TGV pour monter dans le ferry est un peu plus dur pour mes nerfs usés, et je m'y endors tout aussi vite, complètement déchiré par l'épuisement. C'est à peu près dans cet état là, encore, que je monte dans le taxi qui m'attend à Brighton. J'aurais pu prendre l'avion, mais on ne me l'a pas permis. Trop risqué avec les événements récents. Personne ne prend plus d'avion en Afrique qui remontent vers l'Europe, surtout pas les soldats en uniforme avec des épaulettes de Colonel. Oui ça aussi c'est nouveau, ça fait un mois et demi, je n'ai pas eu le temps de le préciser à qui que ce soit. Le front ne nous en laisse pas le temps. J'imagine à peine le stress, l'angoisse qui noue les tripes de mon petit ami chaque jour, à attendre que peut être, on l'appelle pour lui dire que je suis tombé sur le champ de bataille.

Le taxi se gare enfin devant la belle villa dans laquelle l'anniversaire de Morgan est célébré, et je reçois un cousin sauvage dans les bras avant même d'avoir fini de remercier mon chauffeur.

"Cherry !! J'ai cru que tu y arriverais pas au final, avec toute cette neige ! Bon sang mais tu as l'air complètement éreinté, tu t'es vu ? Tu fais peur à voir ! Vas te changer, vite ! Il sait toujours rien !
-C'est bon Théo lâches moi, je suis loin d'être un bébé. J'ai pas le temps d'aller me changer, ni l'énergie. J'ai à peine eu le temps de faire un petit bagage avec ce que j'avais là bas.
-Mouais, t'as pas changé hein.
-Erreur. Tu t'adresses désormais au Colonel Chesnet... Allez, on se bouge."

Théo ouvre une bouche immense, mais je ne trouves même pas la force de me moquer. Je n'en peux plus, je veux juste faire ce que j'ai prévu de faire, puis embrasser mon petit ami, et dormir comme un bienheureux dans ses bras après qu'il m'ait fait l'amour comme jamais pour que j'arrête d'entendre siffler les balles tout autour de moi.

Les lumières de la pergola illuminée baissent quand je la traverse, et j'avance jusqu'à la petit scène plongée dans le noir dans un état second. Je m'assoies tranquillement, ma guitare bien posée sur mes genoux un peu écartés. Je sais qu'ils ne veulent allumer qu'au premier refrain, mais au fond, j'espère bien qu'il reconnaîtra ma voix avant. Presque huit mois. C'est long, huit mois à l'armée, sans savoir si on reviendra à la base le lendemain ou non. Les premières notes retentissent, et je prend le temps d'inspirer pour poser ma voix.

"I miss the sound of your voice, and I miss the rush of your skin... And I miss the still of the silence as you breathe out and I breathe in...So come on, get higher, loosen my lips... If I could walk on water, if I could tell you what's next... I'd make you believe, I'd make you forget..."

Les lumières s'allument presque trop vite pour mon pauvre cerveau enrayé, et je croise les yeux de Morgan, avant de lui adresser un sourire timide.

"So come on, get higher, loosen my lips, faith and desire and the swing of your hips, just pull me down hard and drown me in love... So come on, get higher, loosen my lips, faith and desire and the swing of your hips, just pull me down hard and drown me in love ! I miss the sound of your voice... Loudest thing in my head... And I ache to remember, all the violent, sweet Perfect words that you said... If I could walk on water, if I could tell you what's next... I'd make you believe, I'd make you forget..."

J'encre mon regard dans le sien, poursuit ma chanson jusqu'au bout, et je sais très bien qu'il la connait, parce que je répétais souvent que je me sentais comme ça près de lui. Parce que je ne demande à personne des choses comme dans cette chanson. Sauf à lui. C'est exactement ce que je ressens, là, maintenant. Une envie pressante d'être plaqué au sol, aimé, rassuré. J'aime mon métier, et je ne l'échangerai pour rien au monde. Mais là, j'ai besoin de lâcher prise. Je termine les accords de la mélodie lentement, sans rompre le contact, et décolle mes mains des cordes.

"Hey baby."

- © FICHE  BY DISTURBED -

Coming back home

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Je danse, encore et encore, jusqu'à ne plus sentir mes jambes, jusqu'à ce que le souffle vienne à me manquer. Je danse avec Lola, avec Juliette, avec Lyham, Sasha, Nolan, mon frère et mes soeurs. Pour oublier à quel point Cher me manque. A quel point chaque jour est douloureux et à quel point j'angoisse lorsque je n'ai pas de nouvelles de lui pendant quarante huit heures. Mes crises d'angoisse sont devenues de plus en plus fréquentes depuis que ses mails et ses appels se font de plus en plus rares. Je sais qu'il est occupé, qu'il a été promu, qu'il gère beaucoup de choses et que ça lui plaît ce cadre, ces règles. Ça l'aide à aller mieux. J'ai l'impression de vivre dans le brouillard depuis qu'il est parti. Huit mois sans le voir. Alors qu'il m'avait promis de revenir souvent. Je prends Maëlle dans mes bras et la sers contre moi. Elle a dix huit ans bientôt et j'ai peur qu'elle parte trop vite. Elle ressemble tellement à notre mère que souvent, ça me trouble. Mais en même temps, j'ai l'impression de retrouver une petite partie de moi en la regardant sourire. La meilleure partie de mon sang. La musique s'éteint et les lumières se baissent. Je regarde ma sœur sans vraiment comprendre lorsque quelqu'un se met à chanter. Oh! Le timbre de cette voix, sa façon de vibrer sur les fins de phrase, son ton plus rauque lorsqu'il parle anglais.


Je tourne la tête dans toute la maison pour voir si ce n'est pas quelque chose d'enregistré qu'il aurait envoyé mais les lumières s'allument et mon cœur s'emballe. C'est notre chanson. Nos mots, nos sentiments, mis à nu, chantés par l'homme que j'aime.


"Hey baby"



Sa voix résonne de nouveau dans le silence qui suit ses notes et ses mots. Je n'entends plus rien. Juste le martèlement de mon coeur contre ma poitrine. Plus rien ne me répond. Je le vois se lever, avancer devant le piano et je tente de me rappeler comment respirer correctement. Mon souffle devient erratique et je reste pétrifié devant Cher, dans sa tenue de militaire, le dog tag que je lui ai envoyé à Noël autour du cou. Maëlle me pousse par l'épaule en souriant et je le regarde fixement, toujours sans aucun mouvement. J'en suis incapable.

"Hey angel"


Ma voix est cassée, troublée. Je tends un bras vers lui et effleure son visage doucement, tendrement, des souvenirs de nos premiers mois ensemble flashant devant mes yeux.

- © FICHE  BY DISTURBED -

Coming back home

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La caresse de sa main sur ma peau électrise tout mon corps, et un doux sourire fleuri sur mes lèvres, un comme je n'en avais pas en partant. Celui d'un adulte, d'un homme réfléchi et pas régi par la violence et une maladie. Mais ce n'est pas la question. Personne ne veut savoir ce que j'ai vu en Syrie. Ce que j'y verrais quand j'y retournerais. Je dépose mes lèvres sur son front, et recule un peu pour le regarder. Non, certes, il n'a pas l'air bien.

"T'as l'air plus mal en point en point que moi, tu m'expliques chéri ? Je t'avais dit que je te botterais les fesses si tu étais pas bien, non ?"

Ça pourrait être un reproche, mais mon ton ne le fais pas ressentir de cette façon. C'est plutôt tendre, amusé, soulagé. C'est bien joli d'affirmer qu'on peut promettre de revenir en vie, mais on ne peut pas. J'ai une cicatrice de balle dans l'épaule, et une plaie qui saigne encore un peu parfois au ventre, enroulée dans de la gaze, impact d'une balle qui a littéralement fait imploser une partie de mes abdominaux. C'est la guerre, là bas. Mes amis, je les ai vus tomber. Mes commandants, avec eux. Restent ceux qui sont solides, et surtout, chanceux. On le sait, quand on monte dans l'avion qui nous emporte loin de nos familles, de nos proches. Mais on ne le dit pas. On joue la confiance. Parce qu'on veut y croire, en fait, à ce qu'on leur promet.

"Tu ne vas pas me frapper, alors ? D'avoir donné si peu de nouvelles ?"

Comme celle qui brille sur mon épaule... Je suis parti commandant, je lui ai envoyé une photo de mon insigne de lieutenant-colonel il y a quatre mois, mais le dernier, celui que j'arbore, personne n'a été prévenu. Je ne voulais pas vraiment. Plus haut est notre grade, plus forte est la probabilité d'être envoyé ici ou là, pour avoir l'honneur de mourir pour la France...

Je serre un peu mes bras autour de mon petit ami, et ferme les yeux pour inspirer son odeur. Mon Dieu, ce qu'il a pu me manquer...

- © FICHE  BY DISTURBED -

Coming back home

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Je fixe Cher et constate la nouveauté de son uniforme.
Mon coeur bat un peu plus vite et je le repousse. Huit mois. Ca fait huit mois. Et un mois et demi qu'il ne donnait que très peu de nouvelles.

Deux emails, trois coups de téléphone et une conversation skype.

Je recule un peu et percute Maëlle qui m'empêche de continuer à fuir. Je sais ce que veulent dire ses nouvelles fonctions. Il va être encore plus exposé. Encore plus en danger. Maëlle pose ses mains sur mes hanches pour m'arrêter. Elle murmure dans mon oreille pour me rassurer et me dire de ne pas le repousser. Et c'est vrai. Il est là. Et il faut qu'on parle. J'attrape sa main dans la mienne et embrasse sa joue. Je ne veux pas l'embrasser devant tout le monde. Ça fait huit mois que je ne l'ai pas embrassé. Et ça n'appartient qu'à nous. Je le tire derrière moi, en direction de l'intérieur de la maison, de la grande chambre dans laquelle je dors. Chambre bien trop vide maintenant qu'il n'est plus là. Je ferme la porte derrière lui, espérant qu'il ne reparle pas de ma perte de poids. Je me tourne vers lui, le détaille et me jette sur ses lèvres, bien trop heureux de ressentir de nouveau cette sensation d'envol, cette sensation de picotement et de bonheur.

"Tu m'as tellement manqué!"

- © FICHE  BY DISTURBED -

Coming back home

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Je n'ai même pas trouvé la force d'être blessé par son mouvement de recul, par la brève lueur de peur au fond de ses yeux noisette. Je ne le sais que bien trop maintenant, je suis un miraculé, je peux mourir n'importe quand en ne lui laissant que quelques souvenirs et un dog tag renvoyé vers lui sur le cercueil de bois que l'armée chargerai dans l'avion du retour.

Je le laisse m'entraîner à sa suite en remerciant Maëlle d'un regard appuyé, pour l'avoir retenu. Je pensais être un fuyard, mais c'était avant de rencontrer l'homme qui fait battre mon cœur depuis plus d'un an maintenant. Je réponds à son baiser comme un noyé qui cherche de l'air, désespéré de retrouver un peu de paix, un peu d'espoir. J'ai peur de retourner à Damas. Deux mois. La guerre sera-t-elle finie alors ? Non, probablement pas. J'appuie mon front sur le sien, et masse doucement ses bras, accroché à lui comme à une bouée de sauvetage.

"Toi aussi, mon amour. Toi aussi tu m'as manqué..."

Chaque putain de minute. Chaque fois que je regardais le soleil au dessus de ma tête, que je fermais les yeux pour me rappeler ton visage et ton odeur, la sensation de ta peau contre la mienne. Chaque fois que je voyais tomber un camarade, que la rage contre l'ennemi envahissait mon cœur, me poussant encore et encore au devant de la mort. Chaque soir en me couchant, sans savoir si on bombarderait la base cette nuit ou non. Chaque matin quand je prenais mon FAMAS pour marcher en direction du désert devenu tombeau.

Je passe mes mains dans son dos, sur son cou, retenant une envie de pleurer que je ne peux pas m'expliquer. C'est le fait d'être là contre lui, en vie, sans qu'aucun n'attentat n'ai fait pété mon train ou autre, d'avoir traversé ce front tant de fois sans jamais tomber vraiment, de pouvoir le serrer réellement, reprendre conscience que j'ai tenu cette promesse impossible.

"Si tu savais à quel point je t'aime, Morgan Edward Monaghan... Je t'aime..."

- © FICHE  BY DISTURBED -