Tell me when it kicks in

- feat. Michael Penniman -

Le fait qu'il ait remarqué les cicatrices m'a clairement refroidi. J'ai passé la douche à répondre vaguement à des questions, à éviter son regard, à gratter l'intérieur de mes coudes comme si je craignais qu'il y distingue les minuscules marques blanches sur ma peau tout aussi claire, chose tout à fait impossible en hiver. Je me suis séché avant lui, et je suis allé me faire un café comme si j'étais chez moi, les yeux étroitement clos pour fuir les souvenirs.

Mon ex était un salopard qui me 'louait' à ses amis, ou ses connaissances, ou les dealers à qui il devait de l'argent. Il a fait de moi une marionnette, un jouet inexpressif et froid, insensible, au cœur de pierre et à la peau de porcelaine. La poupée de Jude. Je me souviens bien de ce petit nom qu'on me donnait dans tous les quartiers craignos de Londres. Des coups, de la morsure des ceintures qui cinglaient mon dos quand on m'abandonnait aux griffes d'un cinglé sadique. Et de la saveur des drogues, de la douce langueur produite par l'héroïne qu'on m'injectait d'abord de force, puis de mon plein gré avec le temps et l'addiction qui se construisait. Jude m'a largué du jour au lendemain, en me payant un studio pourri avec son argent de bourgeois, simplement comme ça. Pas de mot méchant, pas de regard méprisant, pas de baiser d'adieu, rien. Un studio, la paix, mon cœur. Mais pas mon âme.

Je descends ma tasse de café d'un trait, et plonge ma tête dans mes mains, luttant pour ne pas craquer, ne pas me laisser encore vaincre par les souvenirs. Plus facile à dire qu'à faire. Je récupère ma guitare, et laisse les accords d'une mélodie familière se former sous mes doigts. Peut être l'une des plus importantes de celles que j'ai écrites. Bloodstream. Je l’exécute sans trop réfléchir à quoi que ce soit autour, la termine et repose l'instrument sur mes genoux.

"Mika ? Je.. Tu peux venir s'il te plait ?"

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- feat. Tim Bachpel -

Je me redresse en l'entendant m'appeler et quitte la pénombre du couloir dans lequel j'étais caché pendant qu'il jouait. Il est magnifique lorsqu'il joue. Vraiment magnifique. J'inspire en le voyant commencer à trembler et passe mes bras nus par dessus ses épaules et embrasse son épaule. Mes yeux se posent sur les cicatrices qui morcellent son dos et je laisse un doigt glisser dessus pour les redessiner. Je n'arrive pas à distinguer comment elles ont pu être faites mais je n'ose pas lui demander. Je le sens frissonner et j'embrasse à nouveau son épaule en serrant mes bras autour de son ventre plat.

"Ça ne va pas mon ange?"

Je sens ses bras passer autour de moi pour me faire asseoir sur ses genoux. Je passe les jambes autour de lui et laisse ma tête tomber dans son cou pour embrasser sa peau de porcelaine.

"Dis moi ce qu'il y a?"

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- feat. Michael Penniman -

Le contact chaud du pianiste apaise un peu mon stress, et je ferme les yeux alors qu'il parcoure les cicatrices de mon dos du bout de ses doigts. Je n'avais pas pensé à ça, perdu dans mes sensations et l'envie de lui plaire. Les hommes qui me baisaient à Paris ne les ont jamais vues. Pas besoin de se déshabiller pour tirer un coup. Une ruelle un peu sombre et déserte, le pantalon aux genoux, ça suffit amplement pour ce genre de choses. Je ne connais plus ça, les reins nus et une main ferme sur ma nuque, le sexe brutal et sans émotion, juste pour dire "Je suis sorti tirer un coup" quand votre colocataire vous demande où vous étiez.

"Je les ai eues à l'époque de mon ex petit ami, ces cicatrices. Pour répondre à la question que tu te poses."

Je ne sais pas pourquoi je lui dis ça comme ça, pourquoi je considère qu'il faut qu'il sache. Personne ne sait, enfin personne d'autre que Sam. Je sais qu'il était super vexé que je ne vienne pas à son mariage, mais, je sais aussi qu'il ne m'en veut pas vraiment parce qu'il sait que j'ai du mal avec l'amour à Londres. Les endroits où vont les couples... Le London Eye, les parcs, Piccadilly, les endroits branchés à Camden Town, les undergrounds... Ils renferment tous des souvenirs, plus ou moins joyeux, que ce soit avec Jude ou mon père, bien que ça soit plus rare. Je ne me sens vraiment bien que dans les undergrounds, parce que c'est un peu là que je suis le plus à l'aise.

Je caresse son dos distraitement, respirant son odeur à plein nez. Reste que pour une raison obscure, je veux qu'il sache. Maintenant, pas dans des mois. Il a le droit de savoir qui je suis avant de décider de me faire entrer dans sa vie, ou non. Ce n'est que justice.

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- feat. Tim Bachpel -

"Je les ai eues à l'époque de mon ex petit ami, ces cicatrices. Pour répondre à la question que tu te poses."

Sa phrase me fait froid dans le dos et je ressers mes bras autour de son torse. Je me place face à lui et m'abaisse accroupi, ma main caressant son genou nu. Les pires images dansent devant mes yeux et je secoue la tête en le regardant, comme pour me dire qu'il a peut être eu un problème de peau ou quelque chose. Il faut que je sache, que je sois sure.

"C'est lui qui t'a fait ça ou c'est un problème de peau que tu as eu?"



Un long silence nous entoure et j'entends toutes les réponses qui ricochent et remplissent cette absence de bruit. Il n'a pas besoin de parler car ses yeux se sont voilés et que toutes mes réponses s'y trouvent. On l'a maltraité, brutalisé, utilisé, usé. Et il souffre tellement que je me sens mal moi aussi. Il secoue la tête et je me redresse, attrapant les quelques mèches trop longues qui bouclent sur mon front.


"Mais comment il a pu te faire ça?! Qu'est ce qu'il s'est passé? Il te tapait dessus? Qu'est ce qu'il faisait? Et puis, pourquoi tu étais avec un mec pareil?!"

Je tourne en rond, la colère coulant dans les veines et c'est son silence qui me calme directement. Je me tourne vers lui et la lueur de détresse qui apparaît dans ses yeux me blesse. Je ne sais pas gérer la souffrance moi. Je ne sais pas comment aider les gens qui ont mal. Je n'arrive pas à aider Morgan alors qu'il est mon meilleur ami depuis l'enfance, comment je pourrais l'aider lui? Je me rapproche et l'enlace, le coeur battant à tout rompre. Il m'a plu dès le premier regard et je sais que j'ai toujours répété que les coups de foudre, c'était du bidon et qu'on ne tombait jamais amoureux pour une personne qu'on ne connaissait mais maintenant j'y crois. Je suis amoureux de Tim et peu importe le passé, maintenant on a un futur. Ensemble.

"Viens?"



Je prend sa main dans la mienne et le dirige vers ma chambre. Les draps sont tous en vrac et je me laisse tomber dedans, admirant les étoiles sur le plafond. Tim s'allonge à côté de moi et je passe ma main dans ses cheveux en le rapprochant le plus possible de mon corps. On reste silencieux quelques minutes, bercés par nos respirations et je brise cette bulle pour lui chuchoter à l'oreille.


"Je ne sais pas comment était ton passé. Ce dont je suis sûr, c'est qu'un jour, tu me diras tout. Mais qu'au jour d'aujourd'hui, je veux construire quelque chose avec toi. Et on a un futur. Ca j'en suis sur!"

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- feat. Michael Penniman -

La douce chaleur des draps a toujours été source d'apaisement pour moi, depuis que je suis enfant, mais ce soir pas autant que d'habitude. Je me rapproche de Michael, cherche sa main pour lier mes doigts aux siens et choisi soigneusement ce que je pourrais dire, quoi répondre. Qui voudrait de moi ? Je suis brisé, sali, bafoué, tout le monde m'est déjà passé dessus, tout le monde connait mon visage et mon corps dans les quartiers peu recommandables de cette ville. Puis-je vraiment lui imposer de sortir avec un homme tel que moi ?

Je prend une grande inspiration, embrasse son épaule et enlace sa hanche, totalement perdu dans sa chaleur et son odeur. Je sais très bien que je suis en train de tomber amoureux, j'ai déjà vécu ça, ce sentiment d'amour soudain et éperdu, insensé, tombé là sur le coin de mon nez quand je ne m'y attendais pas le moins du monde, c'est exactement ce qui s'est passé il y a six ans.

Les mots de Michael s'immiscent en moi doucement, et j'inspire calmement avant de me laisser aller à mes pensées, pensées qui m'entraînent invariablement face au même homme, avec ses cheveux blonds en bataille, ses yeux noirs et ses taches de rousseur, sa chemise ouverte et la cravate pendante de chaque côté de son cou. En boule dans un coin du lit, je le fixe, mal à l'aise, attendant ses mots assassins.

'No one will ever fall in love with your pathetic little childlike face, Timmy babe. Look at you... Even I don't know what stroke me when I met you. Maybe it was that innocent angry look in your pretty eyes, or just the idea of your virgin beautiful ass. But you know, one day I'll leave you Timmy. And you won't ever find anybody again, 'cause your not pretty enough, and kind enough, and you're a dirty whore, jumped by every disgusting guy in this city now. ...Why are you staring at me this way ? It hurts ? Oh, I'm sorry baby, no, no don't cry, you look sweet when you do, you make me want you bad... Oh no come over here baby darling, come here, I'll make it better. Yeah, that's it Timmy, that's it, undo this stupid shirt. You're such a good trained dog, honey. Yeah, come onto me, come let me fuck you dolly. Pretty baby... I love you, you know. I love you, Timmy.'

Je prend une nouvelle inspiration, et cherche comment formuler tout ça, toutes ces choses qui me bouffent, ces souvenirs d'un moi même pathétique.

"Jude avait quatre ans de plus que moi, et il était l'aîné d'une famille riche et bien connue d'Angleterre, un comte pour être précis. Je l'ai rencontré... Et bien, j'avais fugué de chez moi pour travailler à Halifax. Mon père est décédé, et je faisais du stop pour rentrer à Londres. C'est lui qui s'est arrêté. J'en suis tombé éperdument amoureux, et on s'est installés ensembles quelques mois plus tard. Je ne savais pas ce qu'il était. Je suis devenu son... Son chien, sa pute, son punching ball et sa poupée gonflable. En gros..."

Une boule s'est lentement formée dans ma gorge, lourde et étouffante, qui étrangle un peu mes phrases. Comment quelqu'un pourrait vraiment vouloir de moi ? Je ne suis qu'une pute, une traînée obéissante et bien dressée, la poupée de Jude of Westline... Et j'ai tellement peur qu'il s'éloigne de moi, qu'il se dise qu'en fait il ne veut pas d'un homme comme moi. D'une traînée comme moi.

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- feat. Tim Bachpel -

Je m'écarte de lui lorsque je l'entends parler, comme si sa phrase m'avait brûlé, comme si son passé m'avait éclaboussé, tâché, sali, comme il l'a atteint lui. J'ai besoin de m'écarter un peu de lui. Parce que c'est beaucoup à assimiler. Beaucoup trop. Je sais que c'est seulement la première fois qu'on sortait ensemble ce soir et le fait qu'il se confie comme ça face à moi me fait peur. Je m'assois en tailleur dans le lit et pose mes mains sur mes temps, les yeux clos. Il faut que je réfléchisse là. Il m'a donné trop d'informations. Et puis comment peut on l'utiliser comme une poupée gonflable? Comment peut on le blesser à ce point? L'utiliser? Le salir?
Comment peut on s'en prendre à lui?
Je rouvre les yeux et je vois la détresse qui anime Tim. Je sens sa douleur et j'ai envie de me gifler de m'être éloigné de lui comme ça. Je me rallonge et le prends dans mes bras, posant sa tête sur mon torse avant de lui caresser les cheveux.

"Je ne serais jamais comme ça mon ange. Je suis très différent de Jude. Je ne te ferais jamais de mal. Jamais. Parce que je sais ce que ça fait aussi. Je te promets que je serais toujours là."

J'embrasse ses mèches et son front avant d'emmêler mes jambes avec les siennes.

"Dors mon ange. Je ne te ferais pas de mal."

Et je sais à quel point mes mots sont justes. Jamais je ne pourrais le blesser.

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- feat. Tim Bachpel -

Alors que Michael s'éloigne comme si je l'avais brûlé, je me force à ne pas ressentir la piqûre qui traverse ma poitrine. Bien sûr il s'éloigne, qui voudrait rester collé à une pute pareille. Je le regarde s'asseoir et poser ses mains sur sa tête, et j'enfonce le bout de mon nez dans les oreillers, un œil à peine posé sur lui. Ce qui me surprend, ce n'est pas sa réaction de base, c'est la suivante. Ses bras qui passent autour de moi m'arrachent un léger sursaut, et je le dévisage, perdu.

Les mots simples ricochent dans ma tête, et sincèrement, je le remercie de cette promesse. Je frotte mon nez à son cou cette fois, et y dépose mes lèvres furtivement, soupirant d'apaisement.

"Merci... Tu es vraiment adorable, tu sais. Tu vas m'avoir à tes pieds avant même que j'ai le temps de le voir arriver ! Si c'est pas déjà fait.."

Je souris contre sa peau, et ferme les yeux. L'odeur, l'ambiance qui règnent dans sa chambre sont envoûtants. A moins que ça soit sa présence, mais n'est-ce pas un peu tôt pour ça ? Je ne sais pas, peu importe. Si c'est avec lui, je veux bien essayer de me laisser retomber amoureux. Éperdument.

- © FICHE  BY DISTURBED -